Motivations
Le traité d’athéologie de Michel Onfray continue de me laisser perplexe, peut être par les nombreux espoirs que je plaçais en lui et qui sont probablement quelque peu déçus par le manque d’exhaustivité des faits qui soutiennent les propos de l’auteur, notamment sur l’inconsistance et l’incohérence des écrits monothéistes, qui auraient certes allongé l’ouvrage, peut être de manière indigeste, mais auraient pu l’élever à la hauteur de ses prétentions, à savoir devenir un ouvrage pionnier de la Somme athéiste, première brique de référence comme barrière ou à défaut dénonciation des méfaits des monothéismes.
De même, certains syllogismes non-triviaux gagneraient à être justifiés, même s’ils ne sont pas indispensables pour la compréhension du message principal et n’entrent jamais en opposition avec les faits amenés par l’auteur. Je laisse les lecteurs curieux se faire une idée par eux-même.
Au-delà du décalage entre les aspirations du traité d’athéologie et son rayonnement, j’ai plusieurs pistes de réflexions qui me semblent intéressantes et qui ne sont pas abordées ou peu par l’auteur. Notamment, il s’agit pour la première de prouver qu’il n’existe aucune légitimité, sans choix humain, d’une morale pourtant qualifiée de divine. La seconde partie vise à mettre en bijection la construction européenne et plus largement les principes économiques dogmatiques du néolibéralisme avec la théocratie et la religion. Cela me permettra d’expliquer le schisme qui se produit avec d’un côté un retour flagrant au religieux, comme pourrait le décrire Michel Houellebecq1, et de l’autre côté les religieux athées décris par Michel Onfray, qui renouvellent leur obscurantisme et détestation de l’intelligence au sein de structures, d’apparence détachée du religieux, dont ils se sont faits maîtres.
D’un choix de morale sans hypothèse sur le divin
J’affirme qu’il n’y a aucune raison de préférer un prélèvement des textes à un autre et ainsi, il y a tout autant légitimité à se proclamer chrétien et vouloir chasser son prochain comme l’épisode des marchands du Temple, que de se proclamer musulman et vouloir un état théocratique, donc totalitaire, et inciter à la haine du non-musulman jusqu’à son extermination, que de se proclamer d’un courant aspirant à la paix, la tolérance et la construction d’une vie en société malgré les différences de croyances ou de culture, etc.
Il faut entendre légitimité au sens où il n’y a pas à préférer une version ou l’autre, ni aucune variante parmi l’infini ensemble des prélèvements possibles, contrairement à ce que l’on pourrait penser en première instance et ce qu’affirment à tort bon nombre de laïques voire d’athées.
En effet, le penchant pour un prélèvement ou l’affirmation qu’un prélèvement est plus vrai qu’un autre implique une préférence antérieure dudit prélèvement. Pire, cela impute aux Hommes une capacité intrinsèque à reconnaître le vrai au milieu du faux – premier argument qui va à l’encontre des enseignements théologiques –.
Concernant la préférence antérieure, elle pose également un problème de logique en cela qu’un prélèvement consiste à former un sous-corpus que l’on tient pour cohérent, afin d’établir une morale et par là les fondements d’un tissu social – voire l’ensemble des interactions sociales si l’on en croit l’extrémisme d’une frange des gens du Livre qui voit des règles du licite ou de l’illicite pour toute chose, même à propos des pires anachronismes possibles et inimaginables –.
S’il y a une préférence pour une morale antérieure à cette morale, c’est qu’il y a déjà, en amont, un autre système moral en place – rappelons que les hommes vivaient avant la révélation des textes, le peuple juif esclave en Égypte en est la preuve, et donc par la même une société codifiée et régie par des règles découlant de valeurs, c’est-à-dire une morale –, qui guide le choix de l’établissement d’un nouveau système moral.
Or, comme il y a plusieurs lectures et autant de morales cohérentes – au sens où les règles qui la composent ne se contredisent pas logiquement –, s’il en existe une qui soit celle de Dieu, la bonne, celle à respecter pour obtenir toutes les promesses du Livre, alors nous n’avons a priori aucun indice, aucune information fiable car directe sur laquelle est la bonne. Personne jusqu’à preuve du contraire ne communique directement avec Dieu. En cet état de fait, la seule information exploitable, qu’elle soit raisonnable ou non, est la morale qui précède l’adoption d’une morale théologique monothéiste2. Aussi, elle n’apporte pas d’information supplémentaire sur la véracité, au regard de la vérité de Dieu, de la morale extraite du Livre que l’on adopte mais elle est juste un guide, intrinsèque à l’humain ou en tout cas antérieur à la manifestation divine, qui opère indépendamment de toute volonté transcendante. C’est ainsi que la morale chrétienne qui s’est imposée n’est que le résultat d’une ponction arbitraire particulière, sans lien avec un Dieu et sans présupposer son existence, basée sur la morale contemporaine à ses fondateurs et, également, peut-on raisonnablement supposer à la lecture des arguments historiques du livre de Michel Onfray, sur des intérêts personnels, qui de toute manière interviennent dès lors que l’on rentre en contact avec nos semblables humains.
Cela valide évidemment l’analyse de Michel Onfray sur le façonnage idéologique de la figure de Jésus et de la morale chrétienne pour répondre à des desseins qui sont tout sauf transcendants. Il me semble que mon raisonnement a l’avantage de ne même pas avoir le besoin de présupposer l’inexistence de Dieu – qui au final, dans une conception de type créatrice mais non active est une question philosophique et scientifique qui se pose (même si l’on peut montrer l’incapacité par nature de la science à répondre à cette question, et donc du désintérêt de celle-ci pour cette dernière) – . La seule attaque possible que j’y vois est que je suppose que personne ne communique avec Dieu. À cette éventuelle remarque je renvoie à la critique de l’auto-immunisation de l’idéalisme que réfute Karl Popper dans « La Connaissance Objective » et que l’on peut transposer à l’affirmation d’une communication à Dieu (et en réalité à tout principe de foi – mais le jeu de la construction philosophique est de réduire l’ensemble axiomatique à son plus petit ensemble – ).
Cela me permet donc de conclure qu’au final il n’y a pas plus de légitimité à choisir une morale plutôt qu’une autre parmi celles du Livre et qu’il s’agit toujours d’un façonnage idéologique qui présuppose des intérêts autres que divin, jamais immanents.
Pire, la morale est donc quelque chose qui se change, mais pas abruptement, évolue avec le temps, doit avoir une plasticité telle qu’elle s’adapte aux temps qu’elle traverse tout autant qu’elle façonne les être humains qu’elle côtoie. La morale théocratique est au contraire l’absence de dynamique, une tentative désespérée d’arrêter la synergie qui s’empare de toute société et que l’on appelle politique : ce mécanisme itératif non linéaire qui fait les interactions d’influences réciproques entre les institutions et le gens qui s’y soumettent. La science sociale a ceci de plus complexe que les sciences naturelles le fait que si les objets naturels n’ont aucune possibilité d’influence sur les lois qui s’appliquent à eux – et l’on voit mal une pierre en chute libre, soumise à la gravité, influer sur la loi de la gravité qui s’applique à elle, modifiant au passage la réalité de sa chute –, les constructions sociales sont par essence dynamiques et fait d’une réciprocité implacable, dont on peut au mieux en réduire les amplitudes par des mécanismes d’approbation ou de soumissions.
En somme, si l’on ne peut choisir par nature entre la morale du chrétien miséricordieux et celle du chrétien hitlérien, dès lors ne se pose que deux alternatives :
- L’adoption d’une morale particulière par l’extraction d’un corpus choisi et la suppression définitive du reste des textes, un peu comme les catholiques essayent de se détacher de la violence de l’Ancien Testament au profit d’Evangiles jugés plus acceptables.
- Le dépassement du système philosophique, morale et méthodologique imposé par la religion et la croyance.
Pour ma part, le choix est déjà fait.
Rapport entre théocratie et capitalisme néo-libéral européen
Michel Onfray oppose la démocratie, dynamique par nature, à l’immobilisme de la théocratie, qui entend régir la vie des hommes par un système moral transcendant et intemporel, tout en réfutant par tautologie les enrichissements qui ne peuvent dès lors être divins et donc vrais. S’il y aurait matière à développer largement sur la classification et la caractérisation du dynamisme des différents systèmes politiques, ce qui m’intéresse ici est l’incroyable ressemblance entre un système théologique et le capitalisme néo-libéral dont l’instance européenne nous offre une démonstration qui serait presque caricaturale si elle n’était pas dramatique.
Ainsi, Frédéric Lordon, économiste et philosophe, directeur de recherche au CNRS et bien connu pour son engagement au sein de l’association « Les économistes atterrés » et sa pensée économique hétérodoxe, présente dans la première partie de son livre « La malfaçon, monnaie européenne et souveraineté démocratique », l’histoire de la construction européenne. Il décrit notamment pourquoi les échecs économiques menant, de manière systémique, à une crise politique et sociale sans précédent étaient écris dans la construction même de l’Europe, et donc ne peuvent s’apparenter qu’au régime normal de la zone euro et non le fait de circonstances exceptionnelles ; les mesures exceptionnelles3 pour les contrer, comme l’OMT (Outright Monetary Transactions) sont justement des violations des traités européens. Ces violations seront de facto, sans jeu de mots, monnaie courante puisque la construction européenne s’est évertuée à enfermer le dynamisme nécessaire à une politique – ici monétaire – pour faire face à un contexte particulier en gravant dans le marbre des directives intemporelles et indépendante de la conjecture.
Le côté transcendant et arbitraire, comme divinement révélé, qui parachève la construction théologique de l’Europe monétaire, transparait de toute part au sein même des déclarations des principaux acteurs européistes, que ce soit les croisés du dogmatisme idiosyncratique germanique sur les questions monétaires ou les Ayatollahs de la dérégulation financière qui furent incarnés en France en la personne de Lamy et Delors – renvoyons là au livre de Frédéric Lordon, Partie I, Chapitre 3 –. Le cas Guy Abeille est savoureux et terriblement révélateur de l’obscurantisme qui pave la base de l’économie européenne, et en cherchant bien – mais sans trop de difficulté –, tout un pan du capitalisme et des mécanismes financiers4. Rappelons que Guy Abeille est l’un des instigateurs de la règle d’or du « 3% », comprendre un déficit autorisé de 3% du PIB par an. En d’autres termes, le déficit – c’est à dire pour parler simplement, combien l’Etat décide de vivre au dessus de ses moyens chaque année, en dépensant plus que ses recettes –, est dès lors relié par une proportionnalité stricte, quasi-divine dans la simplicité, au PIB (Produit Intérieur Brut). Cette règle d’or, réaffirmée traité après traité, est au coeur de toute décision de financement public, de manière directe ou indirecte : doit-on construire cette école, ou cet hôpital ? Ou plus vicieux encore: doit-on geler la réévaluation des aides sociales pour économiser ce qui nous permettra de paraître aux yeux de Bruxelle ou de Francfort ?
Tout un chacun penserait que lorsque Mitterrand mandate un économiste tel que Guy Abeille, celui-ci optera, avec ses conseillers et experts, pour une méthodologie scientifique pour développer un modèle économique réfléchi et intégrant, après détermination, les facteurs principaux à prendre en compte pour fixer les seuils de dépenses publiques, ainsi que des mécanismes de flexibilité pour palier aux agencements conjoncturels, par définition inconnus et imprédictibles5. On se croit rêver à la récupération de données des différents pays d’Europe, du traitement de ces données par diverses méthodes d’analyse de données, de l’extraction d’information utile pour les fins souhaitées – principalement une Europe économique saine et solide structurellement –, l’établissement d’un modèle, des simulations et prédiction en régime stationnaire et perturbé, des comparaisons avec des économiques extérieures à la zone euro pour en prendre les meilleurs éléments, etc. Bref, un travail intellectuel, rationnel et scientifique qui semble bien le minima que devrait insuffler à la fois le fait d’être un représentant du peuple français mais également choisi pour établir des règles qui vont avoir un impact sociétal palpable dans la vie de quelques, pardonnez du peu, 330 millions d’européens partageant la monnaie commune au 1er janvier 2015.
L’histoire est pourtant bien différente. Guy Abeille avoue sans aucune forme de gêne que ce critère « ne mesure rien » et que le seuil choisi « n’a pas d’autre fondement que celui des circonstances »6. Encore plus décomplexé dans le non-exercice de l’intellect, il assomme le lectorat du Parisien d’un « On a imaginé ce chiffre de 3% en moins d’une heure, il est né sur un coin de table, sans aucune réflexion théorique » et pour justifier la valeur d’un « C’est un bon chiffre, un chiffre qui a traversé les époques, cela faisait penser à la Trinité »7. Nous y voila. La Trinité. Gravons donc comme règle d’or dans la Bible européenne la révélation mystique et intemporelle du messie Abeille et prions pour que le système mit en place apporte de manière performative les effets positifs que l’on cherche à obtenir – à raison, je ne pense pas qu’il y ait à douter de la bonne volonté à la base des charpentiers de l’Europe, et si oui cela n’a de toute manière guère d’importance au vu du résultat –.
Ce qui rappelle encore un peu plus le religieux, c’est cette persistance dans l’erreur due à l’immobilisme. Comment remettre en cause des principes divins, même si ceux-ci sont mis à mal à la fois de manière théorique, rhétorique et empirique ?
Résumons donc. Règles divines et révélées, produit d’aucune intelligence ou réflexion, couplée à la volonté de détruire la capacité inertielle nécessaire à tout système politique, au profit d’un dogme irrationnel qui n’a pas peur de balayer d’un revers de la main par une rhétorique sophiste tout besoin de remise en cause.
Un cran au-dessus, et sortons là de l’Europe, la généralisation si ce n’est la banalisation de la justification d’absolument toute forme de décision politique, au sens large du terme, par les bénéfices que pourrait en tirer une entité abstraite « économie » est en passe de remplacer la croyance en un Dieu. Tous les pans de la société doivent se soumettre à l’examen de cette divinité avant toute prise de décision, et ce au nom de la rentabilité économique, coquille vidée de toute sa substance, faussement élevée au principe d’impératif catégorique.
C’est ainsi que Réjane Sénac, chercheuse au CNRS sur les inégalités entre les femmes et les hommes en France, confie sur Xerfi Canal8 son inquiétude sur le sujet. Elle s’inquiète du fait que la justification des politiques égalitaires s’axe de plus en plus autour d’un référentiel global qui est celui de « l’investissement social ». Autrement dit, la réduction des inégalités doit être concomitante à la « performance sociale », expression qui peine à cacher la géométrie variable de l’évaluation de l’intérêt économique de la différence – régression sociale par excellence : la réduction des inégalités sous condition d’un retour sur investissement en monnaie sonnante et trébuchante sinon rien –. Géométrie variable car il suffit de réussir à prouver que la discrimination est rentable pour retourner sa veste quant à la politique de réduction des inégalités sociales en place, ce qui peut se faire sans problème et à la demande. Un exemple serait simplement de constater que de nombreuses entreprises préfèrent payer les amendes de non-respect de certains quota sur les personnes en situation de handicape, moins chères in fine que le recrutement, la formation et éventuellement la mise à niveau des locaux nécessaires à l’emploi d’une personne handicapée. Cela rejoint complètement l’analyse spinoziste de Frédéric Lordon et de sa société des affects puisque, à défaut d’un irréaliste sursaut éthique de l’ensemble des agents constitutifs d’une société, ces derniers ne font que réagir et se comporter de la manière décrite par la structure institutionnelle au sein de laquelle ils sont plongés et évoluent. Dans le cas présent, à défaut d’être capable de changer profondément les institutions, un stimulus économique assez important, matérialisé par des amendes supérieures aux coûts relatifs à l’intégration des personnes handicapées, entraînerait mécaniquement une diminution drastique si ce n’est totale du rejet de cette frange de la population du monde de l’entreprise.
Un autre exemple plus parlant mais plus lointain dans le temps serait l’abolition de l’esclavage aux États-Unis qui doit plus à la rentabilité supérieure de l’usage des dérivés du pétrole par rapport à un esclave à nourrir, qu’à un sursaut soudain d’humanité, surtout si l’on remet cela dans un clivage Nord / Sud d’états pas si unis que cela.
Schisme de la foi : de la foi traditionnelle et la foi numérico-rationnelle
Un domaine qui n’est pas abordé par Michel Onfray, probablement car il était moins palpable lorsqu’il a écrit son traité, est un certain retour à la foi et l’omniprésence de la thématique religieuse au sein des débats de société ces dernières années. Par contre, Michel Onfray exprime plus que des doutes vis-à-vis des sciences notamment en faisant l’erreur d’opposer philosophie et sciences lorsqu’il invite les uns et les autres à se réfugier dans la philosophie, seule, et mettre en dehors croyances et sciences qu’il associe rapidement à technocratie. C’est une double erreur, car d’une part le philosophe qu’il est devrait savoir que les mathématiques et la philosophie n’était que peu découplées fut encore quelques siècles et qu’en vérité les activités scientifiques et la construction philosophique divergent assez peu sur le fond, et d’autre part, il ne voit pas le loup dans la bergerie, c’est-à-dire l’usurpation sous l’égide scientifique de méthodes qui relèvent de la foi.
C’est cette deuxième erreur que je prends comme point de départ pour me permettre d’éclairer l’affirmation de ce dernier sur un retour à la foi traditionnelle après constatation que « l’hyper-consommation et les modèles ultra-rationnels modernes qui sont intrinsèquement attribués à l’athée puisque scientifique et c’est donc que les sciences sont inférieures à la foi »9.
Il y aurait tant à dire pour démontrer à la fois la non-pertinence de cette affirmation, par exemple car elle sépare la méthode scientifique des sciences qui n’en sont qu’une instance, certes traditionnelle, ou encore en réfléchissant à l’équivalence implicite mais pourtant non-évidente10 entre l’athée et le scientifique, ou encore tenter de réfléchir au sens à donner au concept de supériorité et d’infériorité dans ce contexte. S’il y aurait définitivement maintes choses à dire, je me contenterais d’aborder la question du lien entre l’ultra-rationnalisation qui apparaît comme scientifique, et dont les déboires permettent sans analyse détaillée de considérer cela comme un échec intrinsèquement lié à la science.
Partant du constat qu’il est difficile si ce n’est impossible d’obtenir une certaine unité entre les différentes partitions de la population qu’il peut exister (partition selon les territoires, la religion, etc.) tout en voulant préserver le concept de liberté individuelle, c’est-à-dire obtenir un consensus sur un mode à définir, bien souvent à la majorité mais idéalement à l’unanimité, la société dans son ensemble a fait le choix de succomber à un instinct numérique primaire. Ce que j’entends par instinct ou plutôt besoin primaire c’est celui de la comparaison. Pas n’importe quel type de comparaison, mais une comparaison absolue, ce que l’on appellerait une relation d’ordre totale en mathématiques. S’il apparaît évident qu’il n’est pas possible d’établir une relation d’ordre total universel pour l’ensemble des objets, concepts, idées et individus11, il n’en demeure pas moins qu’il existe une fonction de valeur universelle en ce qui concerne les objets, et qui est indépendante de chaque individu et de la valuation qu’il peut en faire: il s’agit du prix. Plus exactement, en partant du principe que le prix dépend du couple offre et demande, alors la valeur intrinsèque d’un objet n’est pas déterminée par cet objet lui même, de manière immanente12, mais par un flux généré par une sous-partie de la population en combinaison avec celui qui manufacture l’objet, et cette valeur est imposée à l’ensemble de la société, permettant à tout à chacun d’obtenir une comparaison absolue entre cet objet nouvellement valué et l’ensemble des objets précédemment valués.
Ce processus de valuation permet d’établir petit à petit une relation d’ordre total sur les objets, par rapport à un étalon qui est l’argent13. Et c’est là où le serpent se mord la queue puisque l’argent correspond très exactement à la confiance qu’ont ses utilisateurs en le fait qu’il possède une valeur intrinsèque. Mais comme le notait Georg Simmel dans la Philosophie de l’Argent, dont les analyses me semblent bien plus pertinentes et générales que celles de Marx sur le même sujet, le prix, et donc où se place un objet sur l’échelle des valeurs, n’a pas d’objectivité mais n’est que la résultante de l’intersubjectivité des désirs des individus s’intéressant à l’objet nécessitant un prix.
On s’aperçoit donc que le prix et l’argent en général ne sont que le produit d’une construction sociale et ne peut donc s’apparenter à une évaluation universelle, ni même prétendre à être une évidence absolue, comme arrêtée pour l’éternité. Au contraire, il s’agit d’un arrêté consensuel tout à fait temporaire, qui ne dure que tant que parce qu’on en est satisfait. Rappelons que le terme « fiduciaire » qui s’applique à la monnaie sous forme de billets et de pièce a pour étymologie fiducia, c’est-à-dire la confiance. En réalité, depuis qu’il n’existe plus d’étalon or, la monnaie en général, incluant la monnaie scripturale, est une monnaie basée sur la confiance de sa valeur (renforcée ou forcée dans une certaine mesure parce que l’on appelle le cours « légal et forcé » des moyens de paiement). Le fait que les valeurs des devises puissent varier au jour le jour les unes en fonction des autres sans aucun point de référence est une preuve de la construction sociale basée sur la confiance14. Une autre preuve de la construction sociale du prix comme valeur d’utilité est le fait qu’indépendamment de ce processus, tout à chacun effectue alors une évaluation interne en composant avec le prix, la propre quantité d’argent dont il dispose, et son désir d’acquérir l’objet ou le service.
Si ce processus possède un certain nombre d’avantages, oublier qu’il est une construction sociale pour vouloir en tirer une (pseudo-)science et en extirper des lois universelles qui pourraient être vraies en dehors du système social auquel elles appartiennent est dangereux à bien des égards. C’est une métonymie qui relève du crime intellectuel d’autant plus grave qu’il est accompagné de promesses infondées. Par exemple, on commet une énorme erreur en prônant et promouvant l’idée que la science des chiffres ne ment pas et l’idée qu’il faille systématiquement appliquer des résultats obtenus, par exemple, par un processus d’optimisation, et donc que la rationalisation systématique permet de trouver la solution optimale à un problème et donc converger petit à petit, décision après décision vers une efficience du système qui serait une sorte d’équilibre sociale idyllique où tout le monde serait heureux.
Il y a beaucoup à dire. Premièrement, dans la vraie vie, les problèmes, même les plus simples, sont toujours multi-objectifs, c’est-à-dire que la prise de décision doit prendre en compte plusieurs facteurs qui sont antinomiques. Même au niveau de la prise de décision qui ne concerne que l’intérêt d’un seul acteur: une entreprise veut minimiser ses coûts de production tout en maximisant la qualité de ses produits.
Il est évident qu’il n’est pas possible d’obtenir une unique solution mathématique à ce problème, avant même de se poser la question de sa pertinence. Le mot clef ici est unique puisque les problèmes multi-objectifs admettent en ensemble de solution qui répondent à une définition d’optimalité particulière, appelée optimalité de Pareto, et qui représentent l’ensemble des compromis réalisables de sorte que l’amélioration d’un objectif ne dégrade pas la réalisation d’aucun autre. Cela amène à une conclusion: il faut un critère supplémentaire, indépendant du problème initial, et vraisemblablement social, pour faire le choix du compromis à adopter. Notons par ailleurs qu’une solution réalisant un équilibre au sens de Pareto n’est pas nécessaire un équilibre social15.
Une approche naïve16 pour résoudre ce genre de problèmes consiste à transformer les problèmes de décision multi-objectifs en mono-objectif en agrégeant les différents objectifs et en les pondérant. On obtient alors qu’un seul objectif et l’on peut résoudre facilement le problème en évaluant les solutions possibles par rapport à notre nouveau critère. La valeur monétaire, comme valeur d’utilité absolue, est l’opérateur d’agrégation par défaut qui s’est imposé afin de se dédouaner du travail intellectuel nécessaire à l’évaluation des compromis. Or, comme la valeur monétaire est une création sociale, le résultat obtenu par le processus rationnel d’optimisation n’a pas de valeur universelle ou mathématique mais est le résultat d’une opération calculatoire vide de sens si ce n’est au regard de la croyance en la valeur que l’on place dans la monnaie.
Cela ne veut pas dire que les preneurs de décision sont exempts de l’évaluation difficile des compromis car un facteur incontrôlable intervient, à savoir l’incertain du futur. En effet, selon l’horizon où l’on place la décision que l’on doit prendre, le résultat mathématique d’un problème d’optimisation ancrée dans une réalité dynamique par l’existence même du temps, peut donner des résultats très différents. Si l’on prend la décision d’investir ou non dans une entreprise, la réponse dépendra très probablement de l’horizon \(t\) choisi pour considérer le retour sur investissement, indépendamment même de tout autre critère de décision. Cet horizon est par ailleurs très différent selon les acteurs: un investisseur effréné aura très probablement une fenêtre temporelle à très court terme, d’autant plus que la liquidité des titres qu’il possède est grande, tandis que les employés ou le patron familial aura une fenêtre temporelle beaucoup plus grande ou encore le grand patron qui s’agite de société du CAC en société du CAC n’aura de fenêtre temporelle que la longueur de la courte durée de ses fonctions, etc. Une fenêtre très courte incitera le non investissement s’il ne se traduit pas par un retour sur investissement assez important dans la fenêtre, tandis qu’une fenêtre plus grande est plus permissive à l’égard d’un investissement durable. Là encore, on peut voir l’effet purement social: ma fenêtre temporelle et donc la profitabilité de la décision que je vais prendre ne dépend que de mon désir initial et non pas d’une forme de rationalisation ou de mathématique savante. Aussi, notons que c’est celui qui a le pouvoir qui impose sa fenêtre temporelle et donc le résultat du modèle employé, en plus d’être mono-objectif, pose arbitrairement son regard sur échéance, au détriment de la multiplicité des regards portés par tous les agents qui font la vie d’une entreprise, et largement d’une société.
L’autre point important à prendre en compte et que même si l’utilisation d’un modèle à peu près scientifique pour la prise de décision peut être mené de manière objective et rationnelle (c’est-à-dire que j’applique mon modèle, trouve qu’il faut prendre telle décision et donc prend telle décision à partir des résultats du modèle - avec le dédouanement intellectuel dû au passage du multi-objectif à l’agrégation monétaire bien sur -.), le modèle a lui été construit de manière nécessairement biaisée.
Une question légitime serait par ailleurs de se demander s’il y a un intérêt à la prise de décision totalement rationnelle, sans le recul contextuel et l’intégration des facteurs sociaux pour la décision finale. En réalité cette question perd de son importance en considérant que même s’il est prôné la rationalisation, beaucoup de facteurs purement sociaux et individuels viennent ternir l’objectivation prétenduement scientifique comme je viens de l’évoquer. Rajoutez à cela le fait que les prises de décisions font très souvent intervenir de multiples agents qui ont chacun des objectifs différents et l’on obtient dès lors une réalité tellement complexe qu’aucun modèle n’est capable de capter autre chose que le point de vue, biaisé et partial, de quelques acteurs et ceux, avec pour seul objectif l’argent comme fonction de valeur hégémonique.
Or, ce qui a profondément changé le monde au court du dernier siècle c’est le développement scientifique et principalement de la méthode scientifique, ce processus itératif convergent vers la vérité par augmentation incrémentale de la vérisimilitude, concept de Karl Popper17, des modèles et connaissances, avec pour résultat une amélioration des conditions de vie incroyable, mais aussi un apport intellectuel certain. Le processus d’objectivation de la science ne repose pas sur l’individu scientifique, mais bien la capacité à considérer comme inadéquate, désuet, moins bon, ce qui était jusqu’alors considéré comme la meilleure approximation de la vérité dont on disposait. Et ce processus ne peut s’opérer que par les interventions multiples du regard de tout à chacun, et par l’acceptation d’une dynamique qui est concomitante avec la mise à jour des connaissances et le rejet des anciennes qui se révèlent fausses, l’anéantissement des théories qui sont logiquement ou empiriquement contredites, etc.18 Mais comme l’on a fait croire et l’on continue de faire croire que parce qu’il y a des mathématiques alors cela est scientifique, lorsque le voile de fumée de l’escroc scientifique se dissipe et laisse apparaître la réalité, au lieu de blâmer l’illusionniste qui est responsable du détournement initial de l’outil et sa mauvaise utilisation, c’est l’outil qui est pointé du doigt. C’est donc la faute du marteau lorsque le charpentier essaye d’enfoncer une vis avec.
On comprendra, à la lumière du paragraphe précédent, qu’en réalité sous-couvert de rationalisation et donc d’objectivation, se cache un arbitraire sans pareil. La foi en les modèles mathématiques comme transcription directe de la réalité et donc comme détenteur unique de la vérité, vérité au passage absolue, est plus proche de la numérologie et de l’astrologie que d’un processus scientifique rigoureux.
J’ai été profondément interpellé par la lecture d’un texte de Nietszche par Etienne Klein lors d’une conférence intitulée « À quelle distance sommes-nous des Lumières ? » donné dans le cadre du Forum France Culture 2015 sur la thématique « L’année vue par la science ». Le texte en question s’intitule « Avenir de la science. » (251.) et je me permets une petite citation pour en donner la saveur:
« Si l’on ne satisfait point à cette condition de la culture supérieure, on peut prédire presque avec certitude le cours ultérieur de l’évolution humaine : l’intérêt pris à la vérité cessera à mesure qu’elle garantira moins de plaisir ; l’illusion, l’erreur, la fantaisie, reconquerront pas à pas, parce qu’il s’y attache du plaisir, leur territoire auparavant occupé : la ruine des sciences, la rechute dans la barbarie est la conséquence prochaine […]» — Humain trop humain, Avenir de la science (251.), Friedrich Nietzsche.
Le dédouanement intellectuel de tout à chacun, incluant tout aussi bien madame Michelle que l’ingénieur, sur les principes même de fonctionnement des objets technologiques utilisés au quotidien provoque des effets dévastateurs sur le rapport à la science. En effet, en plus de participer à une mystification des sciences, cela favorise le comportement d’adhésion sur la base de la foi19, comme l’on se convertit à une religion, diminuant la capacité critique et le processus d’objectivation, condition inhérente à l’existence d’une science: c’est la mort de la méthode scientifique au profit d’un combat idéologique. Dans ce brouillard épais, il est de plus en plus difficile de discerner le message scientifique originel au profit d’une doxa ultra-rationnaliste qui prône l’inutilité du social et du politique dans les données du problème. C’est souvent les plus proches de la recherche et du monde intellectuel qui naturellement connaissent les limites ou les dangers de leur art, et c’est ainsi que les différentes approches de rationalisation proposées par les mathématiciens dans des domaines sociaux ou sociétaux se matérialisent par une volonté d’assistance, d’aide à la décision, mais sans remplacement de l’être humain, là où les extrémistes de la religion du Nombre voudraient voir le monde se plier à des modèles mathématiques dont ils n’ont pas compris qu’ils ne sont qu’un vecteur d’intelligibilité entre les capacités sensorielles et intellectuelles limitées de l’être humain d’une part, et d’autres part l’infinie et donc illimitée complexité des phénomènes naturels et sociaux20.
Le problème provient donc du fait qu’on a progressivement permis l’assimilation de la science aux idéologies qui s’en servent. Si les personnes se sont petit à petit « convertis » à la méthode scientifique et ont reporté leur confiance d’une large partie des croyances qui étaient les leurs vers celle-ci, lorsqu’apparait des déboires liés par exemple à la finance, c’est l’outil qui est pointé du doigt, notamment et principalement les mathématiques, comme en atteste le brulot sans queue ni tête de Scott Patterson « The Quants » ou encore le torchon de Wired21 où l’incompétence journaliste atteint son paroxysme lorsqu’on essaye très sérieusement de faire croire qu’une formule mathématique est responsable de la crise des subprimes. On y apprend par exemple que le signe égalité est un « concept dangereusement précis ». L’histoire ne dit pas s’il s’agit d’une blague digne d’un mauvais poisson d’Avril ou une tautologie remarquablement bien tournée. A contrario, jamais il n’est évoqué le fait que la valeur des travaux mathématiques se suffit à elle même pour justifier l’existence de tels modèles et que c’est l’ utilisation frauduleuse de ces modèles qui est à blâmer, au sens où elle n’a jamais tenu compte des limites intrinsèques, sous forme d’hypothèses particulières (comme la liquidité parfaite, qui n’existe pas en pratique). Pire, aucune responsabilité n’est portée sur ceux qui font et adoptent les modèles, or la mathématique étant de nature agnostique, elle ne fait que se plier aux désirs, conscients ou non, de ses maîtres, dans la limite de ce qu’elle peut tolérer (à savoir qu’on ne lui fera pas dire que un est plus grand que deux).
Les exemples seraient nombreux et parlant, mais on peut typiquement citer Nicole El Karoui22:
« Il y a des outils mathématiques, qui ont été fondamentalement conçus en dehors de tout ça d’ailleurs, et c’est la boite à outils. Ils sont compliqués, c’est-à-dire le commun des mortels ne le comprend pas. Mais quand je prends une voiture, je ne sais pas ce qu’il y a derrière non plus. Ce que je veux dire, c’est qu’il y a une boîte à outils, après la question concerne comment je raisonne et ce que je cherche dans la boîte à outils, ce qui va me rendre service. Cette question est un débat permanent, mais ce que j’ai découvert dans la pratique, c’est que le business fige les choses. »
En dehors de la beauté esthétique des mathématiques qui suffit à bon nombre de personnes pour consacrer leur vie à cet art, les mathématiques ne sont qu’une boite à outils. Dans un système arbitraire (par exemple celui qui édicte que le déficit public ne doit pas dépasser la Trinité, mais en règle générale tout système d’institutions), les mathématiques ne peuvent éventuellement que masquer un petit peu l’arbitraire, permettre de le comprendre les dynamiques qu’il implique, et éventuellement réduire les risques associés à des problématiques ciblées dont on aura préalablement définis les contours. La citation de Nicole El Karoui est particulièrement révélatrice d’un phénomène une fois encore à mettre en parallèle avec la théologie puisque ce ne sont pas les mathématiques qui fixent les choses, mais bel et bien le business dans le cas présent, c’est-à-dire la partie sociale de l’activité. Plus généralement c’est le jeu des institutions et les règles sociales qui leurs sont associés qui sont de facto les responsables des dynamiques et dont des convergences ou divergences qu’elles soient voulues ou non. Mais là où l’exemple de la finance est intéressant c’est que les modèles développés sont hautement performatifs, au sens où la réalité finit par se comporter comme le modèle qui est sensé la décrire. Nous savons que les modèles actuellement utilisés en finance sont mauvais par le fait qu’ils ne prennent pas en compte un certain nombre de facteurs pertinents. De meilleurs modèles existent, grâce notamment au développement des théories et outils mathématiques, mais ils ne peuvent pas être appliqués car il faudrait que du jour au lendemain l’ensemble des utilisateurs de ces modèles se décident spontanément à les utiliser et jeter les anciens à la poubelle. Comme cela n’est pas prêt d’arriver, la réalité s’est complètement alignée sur ces modèles, pour le meilleur mais surtout pour le pire.
In fine, avec l’illusion d’être trahi par la méthode scientifique, une partie des gens retournent à leur foi première tandis qu’une autre partie, profitant largement du dogme ambiant maintiennent leur aveuglement numérique car ils y trouvent leur compte. Un nouveau schisme se produit. Sur le bord de la route, les dindons de la farce que sont les sciences sociales et la méthode scientifique sont endeuillés. Une foi aveugle dans nos instincts numériques primaires est toujours la conséquence d’un renoncement à faire l’effort de se poser les questions sociales et sociétales. Et sur celles-ci, les mathématiques ne sont pas d’une grande aide.
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Dans un entretien de promotion de son livre « Soumission », à la question sur le retour du religieux, il affirme que l’athéisme est une position difficile à tenir avec l’âge et que notre société hypermoderne est atrophiée et vide de sens. ↩
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Ce qui vaut par ailleurs pour toute forme de morale. ↩
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Qui n’ont d’exceptionnelle, incroyable sophisme, que le fait qu’elles violent les traités européens. ↩
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Renvoyons ici à quelques prémices en la matière : les travaux de Piketty sur l’inégalité, notamment dans le désormais incontournable « Le Capital au XXIième siècle », mais aussi une nouvelle fois à Frédéric Lordon, et si l’on pourrait citer son entière bibliographie, donnons par exemple « La politique du Capital » et « Fonds de pension, piège à con ? ». ↩
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Si c’est votre cas, c’est un signe de plus en faveur d’une démocratie directe. Voir à ce propos « Contre les élections », David Van Reybrouck. ↩
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La Tribune, publié en ligne le 01/10/2010. Analyse critique que l’on appréciera pour sa pertinence. ↩
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Channel de diffusion de la société de conseil et d’études économiques Xerfi. ↩
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Il ne s’agit pas d’une citation mais d’une agrégation d’un constat que semble faire Michel Onfray, tout comme Houellebecq plus récemment. Les guillemets ne sont là que pour me détacher franchement de cette affirmation bien que j’adhère à ce constat. ↩
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Au sens où elle est fausse de toute manière, l’Histoire en témoigne et continue de le faire. ↩
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Pas si évident que cela si l’on regarde la valuation des êtres humains lors de la traite négrière entre autres. Plus récemment, on peut entendre très fréquemment de la bouche de politiciens notamment qu’il existerait une échelle des valeurs morale et une supériorité de certaines civilisations sur d’autres - et à ce propos il faudra leur poser la question de la différence entre une relation de supériorité éthnique, communément appelée racisme, et une relation de supériorité civilisationelle -. ↩
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Ce qui apparaît évidemment impossible. ↩
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Dès lors qu’un nouvel objet commence à être valué, il le reste jusqu’à sa destruction et si son ordre par rapport à d’autres objets peut parfois changer, par cette relation dynamique d’offre et demande, il reste qu’à un temps \(t\) donné, un objet à une valeur absolue dans un référentiel qui semble également absolu. ↩
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Un esprit sain dirait même plus encore aujourd’hui où la monnaie que je possède n’est qu’une succession de bits dans au sein d’une base de donnée qui n’a d’existence que dans la confiance que j’ai dans le système bancaire. ↩
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Parmi toutes les façons possibles de séparer 100 euros entre deux personnes en voulant maximiser ce que chacun aura, le couple \((0,100)\) réalise un équilibre de Pareto sans être véritablement social. Le choix \((50,50)\) ne tombe pas plus sous le sens à priori si ce n’est à adopter un principe d’égalité qui n’a qu’une justification idéologique ou morale. ↩
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Elle est naïve car elle ne permet pas d’atteindre l’ensemble des solutions réalisant un équilibre de Pareto. ↩
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Voir « Le connaissance objective », Karl Popper. ↩
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Remarquons qu’on retrouve globalement les même processus dynamiques que ceux d’une démocratie, par opposition à des régimes statiques comme les régimes théocratiques par exemple. ↩
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On retrouve le même phénomène avec la politique, où bien des citoyens ne connaissent pas le fonctionnement des institutions dont ils élisent ceux qui vont y siéger. La politique, science sociale, ne bénéfie pas, contrairement à la science dite dure, de ce statut de détenteur de la vérité qui a bon dos, ce qui explique pourtant qu’on aura tendance à plus facilement taper sur la science dure lorsqu’elle se trompe par rapport à la science sociale. ↩
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Que le lecteur ne s’y trompe pas, je considère à bien des égards qu’il est vain de séparer drastiquement Nature et construction sociale. ↩
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Compte-rendu d’entretien avec Nicole El Karoui, 23 février 2010 ↩